jeudi 21 mars 2013

LES PANGALANES


Mercredi 20 / jeudi 21 mars
La guide, à l’invitation de Maurice qui règle quelques petits détails d’organisation pour nous faciliter la vie, était pile-poile au rendez-vous ce matin… Seulement nous avons pris sur la tête des seaux et des seaux de flotte toute la nuit (pour le chant de la tôle nous avons été servis), et la couleur de la matinée s’annonçait au gris et à la pluie fine. Comme nos amis lémuriens que nous sommes venus voir, ne sont ni équipés de capes de pluie ni même de parapluies, ils sont terrés dans les arbres (si je puis dire) et le rendez-vous voué de fait à l’échec total, seules les sangsues étant à même d’assurer leur participation, avec les grenouilles peut-être !
Tout le monde était d’accord sur cette brillante analyse et nous avons décidé de changer le programme en reportant la visite du parc sur le chemin de retour « des Pangalanes » et donc de descendre tout de suite les rejoindre sans attendre le lendemain comme initialement envisagé.
« Les Pangalanes »… c’est un surprenant canal, constitué par une enfilade de rivières et de petits lacs naturels et de chenaux creusés par les Français à la toute fin du XIXème siècle pour les relier. Cette longue voie fluviale, séparée de l’Océan Indien par une étroite bande de terre de 650 kilomètres environ, avait pour but de remonter les productions agricoles de la côte « Sud » sur le grand port de Tamatave, à destination de la Métropole : poivre, vanille, café, girofle, noix de cajou, litchis, banane, raphia… etc.
Pas seulement les récoltes de la côte mais celles aussi de l’intérieur car les Français avaient aussi construit, quelques années plus tard, une voie ferrée étroite qui arrivait et qui arrive encore à Manakara, alors port fluvial stratégique sur le canal à environ 100 kilomètres plus au « Nord » de Farafanga qui en est la limite « Sud ».
Mais voilà, le canal est aujourd’hui quasiment au chômage en dehors de la navigation de quelques modestes embarcations de marchandises et de passagers, l’indépendance ayant signée la fin intensive de son utilisation, et le petit train qui de l’intérieur arrivait à Manakara, est une « vieille dame » plus que bringuebalante, un « spot » touristique que nous avons décidé de snober. Nous essaierons seulement de la voir en gare à Fianarantsoa où nous serons dans quelques jours quand nous rejoindrons la RN 7 avant de continuer notre descente.
Manakara est donc notre lieu de découverte de ce fameux canal des Pangalanes et nous sommes installés dans un super petit bungalow de joli bois et de chaume, la petite terrasse au milieu des amandiers, des cocotiers et des filaos, en bordure de l’Océan Indien que nous voyons à 50 mètres et surtout dont nous entendons les vagues déferler avec énergie sur le sable… Sauf à vouloir vous retrouver échoués sur une plage de la réunion, gonflés à l’eau de mer comme une baudruche, ici on ne se baigne pas.
La route pour venir à Manakara est « superbement différente », toute en virages. Elle saute d’une montagne de verdure à une autre montagne de verdure, qui toutes forment le relief tourmenté qui descend des Hauts plateaux à la côte « Est » de Madagascar.
De la forêt primaire avec quelques îlots de civilisation, des villages de pauvres maisons de bois, des cultures vivrières et des rizières dans les fonds, des rivières aux eaux vives ponctuées de rapides et de cascades, probablement 95% de taux d’humidité-je dis cela au hasard- d’autant qu’en plus, les gouttes n’ont guère cessé de nous humecter la vie.
De la végétation tropicale exubérante propre à narguer le « Douanier Rousseau », citons les fougères de toutes sortes, des arboricoles bien sûr, des eucalyptus de toutes sortes également, des palmiers mais aussi bien d’autres essences, en bord de route des acajous, des manguiers, des papayers, des bananiers, des caféiers, des arbres à pain et des cocotiers en approchant de la côte, mais surtout des forêts d’arbres du voyageur « que nous ne savions pas qu’il y en avaient tant sur terre ». Il ne nous étonnerait pas qu’ils soient endémiques des lieux.
Des fleurs sauvages et des plantes au joli feuillage de couleur que l’on appelait « des vieux garçons » autrefois dans le pacifique. Les adultes en bordaient les jardins des maisons.
Des gens partout, avec des enfants partout, et tout ce qui va avec comme manifestation d’activité, encore des chercheurs d’or qui avec des bassines de bois sur la tête partaient pour une journée d’espoir, peut-être des chercheurs d’émeraudes aussi, elles sont belles par ici.
Petit tour d’une petite ville perdue face à l’immensité océanique, à l’activité intense et faite  « de bric et de broc » comme partout dans l’île, quelques vieilles villas en ruine qui témoignent de « la douceur coloniale passée, et trépassée »… Car la terre ici appartient aux Antaimoro, une ethnie des dernières arrivées dans l’île, influencée par les navigateurs arabes, ils en conservent d’anciennes traditions.
Après notre morceau de zébu presque quotidien, et un court passage au Cyber, nous avons réservé « un tour » pour demain : la découverte des Pangalanes sur une journée avec déjeuner chez les pêcheurs… Mais là où nous sommes, c’est trop bien, nous y sommes restés le reste de la journée et toute la nuit nous écouterons la mer chanter.









                                                        
L’huile essentielle tirée du Niaouli, est anti-infectieuse, antibactérienne à très large spectre pour résumer ses propriétés expliquées par un charmant jeune homme dont la famille possède un alambic fait de tôles et de vieux bidons installé sous un abri de paille, sur une des rives du canal des pangalanes, au « Sud » de Manakara.
Sa famille originaire de Tana mène avec la population du coin qui lui ramène leur cueillette, cette petite activité dont la production part à travers tout un réseau, vers l’industrie pharmaceutique mondiale.
Nous sommes loin du jus de banane comme désinfectant, nous sommes dans le sérieux et avons acheté à ce « potard » de la brousse, une petite fiole de Niaouli, mais nous aurions pu aussi lui acheter de l’huile essentielle de citronnelle, de citriodora, d’hélichryse, de ravintsara ou de calophyllum… Tout ça à partir de plantes qui peuplent les berges du canal de notre génial général Gallieni, qui avec ses 4000 cantonnais, a créé cette étonnante voie fluviale sur laquelle nous avons passé une belle journée ensoleillée, entrecoupée d’une pose déjeuner sous les filaos, en bordure de l’Océan : Daïquiri Litchie (triple dose), langouste (une chacun), poisson de mer (un gros pour deux), accompagnement de carottes râpées cuites et riz à volonté, ananas frais… Qui dit mieux ?
A 8 heures 30 comme deux tourtereaux (ça c’est pour faire plaisir à ma partenaire qui se paie la correction de mes textes), nous nous embarquions sur un frêle esquif (ça c’est pour rajouter une petite notion de risque) et avec deux pagailleurs à l’avant et trois à l’arrière, sans compter un petit guide qui se montrera d’une érudition confondante, nous partîmes à 8 mais nous, nous sommes tous revenus au port (le mot est à peine exagéré !), à presque 16 heures.
Belle ballade tranquille entre les deux rives du canal avec pour commencer en partant vers le « Nord », un petit aperçu du pont « Eiffel » qui s’est en partie écroulé sous le poids d’un 35 tonnes parce qu’il y a 6 mois, un alphabète avait volé le panneau limitant le poids supporté à 10 tonnes pour en récupérer la tôle, et avec un stop à l’embouchure de la manakara (rivière éponyme) pour assister à l’arrivée des pirogues de pêche en mer, les familles sur la grève venant acheter leur poisson 
La découverte, pour poursuivre vers le « Sud » ensuite, des deux rives à la végétation aussi variée, beaucoup de cocotiers, des pandanus, un peu de canne et des tarots, de beaux arbres comme les badamiers (c’est ce que j’ai appelé les amandiers faute d’avoir retrouver le nom, tout ça parce qu’il produit de délicieuses petites amandes), des arbres du voyageur, et nous verrons même des plantes carnivores de la famille des orchidées, aux belles fleurs en forme de cornet avec un petit chapeau sur charnière qui s’ouvre par temps sec pour laisser passer les moucherons et qui se ferme par temps de pluie pour protéger l’acide du réceptacle… Mon Dieu qu’as tu fait pour nous pondre une nature si violente !
La violence des hommes est à la hauteur de sa bêtise, incommensurable, sur le parcours nous avons croisé un monument à l’allure d’un bâtiment en ruine sauf qu’il était fraîchement peint de blanc. Nous avons demandé à descendre pour le rejoindre sur son tertre et avons découvert une sorte d’ossuaire de terre renfermant 2500 corps.. Un petit échantillonnage des 20 à 30.000 Malgaches que la France a « sulfaté » en répression de l’insurrection  de 1947 !
La journée n’était pas aux remords, et nous avons continué à descendre au fil de l’eau pour observer la vie des riverains semblable à celle que nous avons déjà observée par ailleurs, les femmes (en autres tâches habituelles) et les enfants pêchent dans le canal pendant que les hommes pêchent en mer. Nous croisons un certain nombre de pirogues qui font des 10, 20, 30 kilomètres pour aller à la ville, et puis nous nous arrêtons à un village de pêcheurs composé de petites et pauvres maisons toutes faites, à quelques très rares exceptions, à partir de l’arbre du voyageur comme les farés dans le Pacifique le sont du cocotier. Tout y passe dans l’arbre du voyageur : le tronc débité en piliers, l’écorce pour « natter » les murs, et les feuilles pour la toiture. Comme elles sont sur pilotis, le sol est en planches tirées des troncs également.
C’est la grande pauvreté mais ici comme dans d’autres villages, il y a un Roi. Nous demandons à être présenté et nous le trouvons dans sa petite épicerie. Il a un beau chapeau et deux femmes, et tout ce qui faut comme marmaille. Il y a aussi un Chef dont le rôle est administratif mais nous ne le verrons pas. C’est aussi bien. Il est paraît-il corrompu, les mendicités qu’il réclame pour le village vont droit dans sa poche. L’instit est soit disant pareil. Deux qui ont tous compris de la démocratie malgache !
Certains Antaimoro sont restés musulmans et ne mangent pas de porc, mais la plupart sont devenus chrétiens, surtout Catholiques mais aussi Protestants, mais tous restent animistes… Pas de retournement des morts mais le grand père comme partout dans l’île, est bon pour avaler les prépuces à la banane et au rhum !
Sur le retour nos 5 pagayeurs étaient galvanisés, et pour se donner du courage (aller et retour notre promenade de santé tournait autour de 18 à 20 kilomètres d’après eux) se sont mis à chanter. Ce qui m’a plongé dans une ambiance très africaine des missions d’exploration du XIX ème…
La dernière était en français pour nous faire plaisir :
« Ou as-tu mis les pagaies,
Elles sont sous les cocotiers,
Vont-être mangées par les crocos,
Pagayons, pagayons, pagayons… »
Pas vu de crocodiles mais des accidents, rares, existent néanmoins.
A 16 heures donc nous étions « à la maison » pour ne plus bouger et comme hier au soir, repas chez nos sympathiques « tauliers », un Vasa Basque qui a 50 ans à vendu sa petite affaire de restauration saisonnière pour s’installer au Pays de sa femme, ici. Ravi content sauf que leurs deux jeunes enfants, beaux comme des dieux, ont un avenir limité à l’école primaire française qui en deux ans est passé de 200.000 à 20.000 euros de la part de la France. L’année prochaine c’est « nib », la France coupe les robinets !
Nous l’avons laissé dubitatif, vendre et rejoindre une grande ville pour remonter une affaire, à Madagascar bien entendu.
Demain nous reprenons la route, vers le Pays de la vanille, un cran plus haut vers le « Nord », toujours au bord du canal des Pangalanes.









1 commentaire:

  1. Aye !!!! J ai enfin trouve comment faire un message... On est comme prevus sur la banquette arriere.
    La petite chanson en francais, quel beau moment de poesie !
    On est jaloux mais on attend la suite.

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