Samedi 9 mars
Margarita pour Anne et quatre fromages pour moi…
Un peuple qui sait faire, affiner et qui mange du fromage, ne peut-être
totalement mauvais car il y a de l’art de vivre derrière tout ça !
Eau pétillante, digestive à souhait, celle du
bled.
Il faut dire que nous sommes dans une ville
thermale rien de moins, surnommée la « Vichy malgache ». Les Français
sous les tropiques, fidèles à leur tradition hédonistes, ont toujours su bâtir
des coins de France partout où ils s’étaient installés, comme des villes d’eaux
en zones fraiches par exemple, pour récupérer des lourdes chaleurs :
Ifrane au Maroc et Korbous en Tunisie, Dalat au Vietnam, Matouba à la
Guadeloupe et Cilaos à la Réunion pour ne citer celles que nous avons arpentées…A
Madagascar c’était donc et c’est toujours Antsirabé.
Et l’on y trouve donc une belle gare à
l’architecture coloniale, reliée à la belle gare de Tana d’où venait le flot de
curistes, et, pour mener à l’Etablissement des eaux, un royal boulevard arboré
les menant tout droit au complexe hôtelier, lui-même planté au milieu de beaux
jardins en surplomb d’une campagne vallonnée servant d’écrin au lac… Il faut
bien des eaux quelque part !
Pas question de « poussiérer » les
crinolines des dames, des pousse-pousse firent donc le chemin de notre regrettée
Indochine, pour transporter le beau monde de la gare à destination et parcourir
les larges voies tracées au cordeau d’Antsirabé.
Eh bien aujourd’hui c’est tout pareil, du moins
pour la partie « ancienne » de la ville, sauf que la gare ne peut
vraiment n’être utile que pour servir de décor de cinéma, l’hôtel tout en
gardant un certain charme n’étant plus vraiment l’établissement de luxe du
temps de sa splendeur, accueillant néanmoins de nos jours, le Wasa local ou
expatrié, voire le Malgache nanti , pour des cures qui paraît-il, continuent
tout de même à guérir de tout !
Restent aussi les lointains descendants des
pousse-pousse d’antan, jolis de loin mais de près plus proches de la caisse en
bois peinturlurée, prolongée de deux bras fermés sur l’avant. L’ensemble, monté
sur ressort et porté par deux roues de vélo, est plus tiré que poussé par un
« taxi » qui galope pieds nus entre les limons.
Quelques rares « tuk-tuk » sont
arrivés en renfort, quelques « cyclos-pousse » aussi, mais le
« pousse-pousse » local a fait des petits et il y en a partout, le
nombre plongeant ses « pilotes » dans le désoeuvrement… La crise sûrement
et puis, les cars de touristes ne sont pas encore de saison.
Ne soyons pas injustes et moqueurs, Antsirabé
avec son charme suranné sait toujours se faire toujours apprécier par son calme
même si la ville a pris de l’extension avec des quartiers populaires pour en
faire au final, une cité étendue de 160.000 habitants même si l’on se demande
où loge tout ce monde là. Comme ailleurs il s’entasse dans de modestes demeures
aux allures parfois de bidonvilles.
Des bidonvilles, nous en avons rencontrés
vraiment ce matin en sortant de Tana, des Pauvres repoussés loin du centre ville
suivant une méthode en usage un peu partout, vision de pauvreté qui nous a
remis en mémoire la dégradation de l’économie de la Grande Ile, en grande
partie pour les raisons que nous connaissons tous.
Que la route est belle pour descendre jusqu’ici,
elle louvoie dans un paysage « mosaïque », semblant être fait de tout
ce que la nature peut proposer : plats et reliefs, cultures variées et
forêts d’essences diverses, mélange de conifères, d’eucalyptus et d’arbres
tropicaux, fruitiers ou pas.
Se jouant des cours d’eau en fond des vallons, des
rizières en terrasses d’un vert tendre « dégoulinent » harmonieusement
des collines vertes et d’escarpements de roches rouges. Rouge est la couleur de
la terre des « Hauts plateaux » et tout ce qui n’est pas verdure est
terre, les maisons sont en terre rouges (de la brique ou des moellons de terre),
les chemins ravinés, comme nous les découvrons au sortir de la saison des
pluies, sont en terre rouge comme des veines d’irrigation de vie.
Anne commence fort, c’est plus beau qu’en Asie
ne cessait-elle de dire, calée entre deux sacs comme accoudoirs, sur le siège
central arrière de la Toyota, habilement et calmement menée par Maurice sur le
cordon goudronné de la fameuse RN 7, tout juste large comme une départementale
de chez nous. Et chez nous, il y a longtemps que les chars à bœufs ont disparu,
à se demander si nous ne les avons pas tous expédiés chez les Malgaches !
Le programme fût artisanal, sur notre route ce
matin. Si nous avons boudé un stop « foie gras », spécialité d’un
petit bourg traversé C’est qu’à 10heures,
une dégustation d’un organe malade de canard ne nous a pas tentés. Par contre
un peu plus loin nous avons fait une halte à Ambatolampy, gros bourg réputé
pour ses ateliers de fabrication d’ustensiles en aluminium… Et nous avons
assisté à la réalisation d’une grosse gamelle et de son couvercle suivant la
technique du moule en sable. Rien ne nous a échappé, même pas le spectacle dans
le spectacle offert par une poignée de « Bonnes Sœurs » toutes
attentionnées à photographier et à filmer, à croire qu’elles s’imaginaient que
les gamelles étaient aussi sorties d’une côte d’Adam pour occuper Eve !
Après déjeuner, nous avons aussi
« donné » dans l’Artisanat, sûrement première entreprise ici comme
chez nous et comme partout… Fabricant de petites voitures et de vélos en métal
recyclé style canette, super astucieux et adroit, ateliers de brodeuses, centre
de tailles de pierres en tout genre, du fossile au bijou en passant par le bois
pétrifié. Pour terminer la tournée du jour, un atelier
spécialisé dans le travail de la corne de zébu et nous avons failli craquer
pour des couverts à salade mais c’est un peu tôt.
Avant de rejoindre notre hôtel, où nous étions
passés brièvement à notre arrivée avant le déjeuner, Maurice nous a entrainés
voir le domaine de l’hôtel thermal et Anne a eu la bonne idée de nous payer un
second café, à l’ombre sur la terrasse, au bord de la piscine dans laquelle s’ébattait
une poignée de marmots sous l’œil attentif de leurs « confortables » mamans,
sans nul doute des Malgaches qui mangent à leur faim.
En parlant de faim, ce n’est pas vraiment elles
qui nous ont poussés au « Pousse-Pousse » mais Maurice, et nous y
avons mangé du rôti de sanglier aux deux purées, vin Sud-Af et tisane de
citronnelle, installés dans des coques de pousse-pousse chacun se faisant face,
comme c’est exotique tout ça !
Dimanche 10 mars
Après la ville, les environs, la cambrousse
malgache des chemins creux et des hameaux, bref la vie rurale avec les paysans,
leurs bêtes et leurs cultures… C’est tout ce que nous avons rencontré chemin
faisant pour découvrir les lacs de la région.
Le 4x4 n’est pas vraiment un luxe si l’on veut
quitter la chaussée en fin de saison des pluies. Tous les chemins sont ravinés
et la matinée fût une véritable partie de manège digne de « la chenille de
la fête à Neu-Neu » de notre enfance… Pour ceux qui ont connu.
Direction les collines de « l’Ouest »
de la ville pour découvrir en premier le lac Tritiva, à 18 kilomètres
d’ornières, de bosses et de trous de notre base. Niché dans un creux de
collines et entouré d’à-pics, bordés de grands arbres. C’est tout simplement un
cratère d’eau glacée de couleur turquoise et de plusieurs dizaines de mètres de
profondeur. Rajoutons qu’un Roméo et sa Juliette aux amours impossibles se
seraient jetés de la falaise.
Signalons surtout le bain formidable que nous
avons pris tous les deux : sitôt sortis de la voiture, une nuée d’une
trentaine de gamins et de gamines nous ont assaillis comme rarement à ce point
nous l’avons été. Corps graciles sautillants, jolis visages lumineux, sourires
éclatants, propos attendrissants…Chaque petite main était marchande et nous
avons eu beaucoup de mal à ne pas céder aux offres, mais comment faire ?
Comment répondre lorsque l’on vous demande si
vous êtes riche, que l’on vous demande une pièce que vous ne donnez pas alors
que vous avez des millions d’ariany dans votre sac ?
Nous nous en sommes tirés avec quelques stylos. Puis, nous avons filé
vers le second lac, que nous avions en fait doublé pour le faire en retour; le
lac Andraikiba, d’origine volcanique lui aussi, beaucoup plus vaste et entouré
de forêt. C’est un ancien lieu de villégiature des Royautés passées et que les
Français avaient aménagé en centre de plaisance, largement à l’abandon de nos
jours. Un hôtel restaurant subsiste, que nous avons vu de loin, des cabanons
transformés en échoppes dont les vendeuses vous proposent de l’artisanat.
Au cours d’une petite ballade circulaire, nous
nous sommes assis à côté de Madeleine qui gardait ses deux petits enfants, et lui
avons fait la conversation. Institutrice en retraite elle nous a compté son
stage en France, payé par la France, et comme si nous n’en n’étions pas
convaincus, nous a dit que l’école finirait par sortir son peuple de la
pauvreté.
Un jour un touriste lui a dit « voyez
Madame aux îles Canaries ( !) les gens sont blancs et riches et vous à
Madagascar, vous êtes noirs et pauvres », et elle lui a répondu, nous
a-t’elle dit $ « Monsieur je suis fière d’être noire mais j’ai honte
d’être pauvre ».
Quelle animation le long du chemin, dans les
hameaux traversés, quelques joueurs de boules, étonnant, mais surtout des
paysans à la tâche dans les champs, dans les rizières, sur les chemins avec les
carrioles et les bœufs, les zébus. Les femmes et les petites filles à la
lessive dans les points d’eau, il y a de l’eau partout. Anne en a profité pour
commencer par donner un pantalon d’un sac de fringues réservées à cet effet.
Tout est très vert en cette saison, Maurice nous
dit que c’était sec en juillet/août.
Befato est un petit bourg qui est à 22
kilomètres d’Antsirabé , et nous y avons fait un saut histoire de voir le petit
lac qui le borde, toujours d’origine volcanique, et une belle chute d’eau une cascade de 20 mètres, dans un cirque de
jolies rizières et de plantations maraîchères en terrasses.
Retour « en ville » pour un déjeuner
tardif, c’est dimanche après-midi, la cité est déserte, et la suite sera
« mora-mora » (le « o » se prononce « ou »), le
cri de guerre malgache qui veut dire « doucement-doucement »… Pas
plus mal un orage s’est mis à faire fureur en pleine après-midi. Le dîner se
fera « chez Jenny », le restaurant du Green Park Hôtel, une table
qu’un ami de Anne qui nous a précédés de quelques mois sur la route, lui a
proposé de découvrir, à deux pas de la Cathédrale.
La Cathédrale justement, nous y étions ce matin,
comment rater un rendez-vous dominical sous les tropiques, les offices sont
toujours chantés… Ce qui nous met chaque fois aux anges !
A 9 heures la messe était lancée, des chants
très « pacifiques » tourbillonnaient dans la nef, sous la voûte bleue
roi de la cathédrale. Les vitraux multicolores nimbaient de lumière un parterre
de fidèles « tout à la prière », les hommes et les femmes dans leurs
habits du dimanche, modestes mais très soignés, pareil pour les petits garçons
et les petites filles en dentelles et souliers vernis pour certaines.
Des chants à vous arracher le cœur, la larme. Le
malgache est une langue de la famille « malayo-polynésienne » et avec des « a » des « ou »
et des « i » pour terminer des vers qui sont posés sur des mélodies
« cousines », pas étonnant qu’un profane pourrait s’imaginer être au
centre du Pacifique… Et si le prochain Pape était de l’hémisphère
« Sud » ?
Après un « noir » à la Maison Blanche,
un « noir » à Rome ferait à n’en point douter plaisir à
Madeleine…Madeleine aimerait tellement ça…
...et du Jacques Brel pour finir !Nous aussi, nous sommes aux anges.Christianus ora pro nobis.
RépondreSupprimerPascal
Que c'est vert !!! Et Oui on espere un Pape different !!
RépondreSupprimerHabemus papam !Tant pis pour Madeleine, il est tout blanc.Mais un peu exotique tout de même, puisqu'Argentin.J'espère que vous avez beau temps. Si votre chauffeur vous propose de faire un détours par Caen pour déposer un colis chez sa cousine, trouvez un prétexte et refusez poliment: le tiers nord-est est bloqué par la neige et le verglas. Bonne route.
RépondreSupprimerPascal